Environnement : le message des étudiants aux patrons

Présents dès l’origine du Manifeste étudiant pour un réveil écologique, ces élèves des grandes écoles sont prêts à boycotter les entreprises qui ne s’engagent pas pour la planète, quitte à gagner moins.

Pauline, Julien, Corentin et Sébastien, signataires du manifeste étudiant pour un réveil écologique – crédit photo : Le Parisien / Olivier Corsan
Pauline, Julien, Corentin et Sébastien, signataires du manifeste étudiant pour un réveil écologique – crédit photo : Le Parisien / Olivier Corsan

    Présents dès l’origine du Manifeste étudiant pour un réveil écologique, ces élèves des grandes écoles sont prêts à boycotter les entreprises qui ne s’engagent pas pour la planète, quitte à gagner moins.

    Comment est née l'idée du Manifeste étudiant pour un réveil écologique ?

    CORENTIN BISOT.

    L’initiative a été lancée en avril 2018 au sein d’un groupe d’étudiants en écoles d’ingénieurs, de commerce et de l’école normale supérieure. Nous sentions se développer dans nos établissements le sentiment commun qu’il y avait urgence à agir contre le changement climatique et sur les enjeux liés à la biodiversité, à l’énergie et aux ressources.

    A-t-il fallu faire des choix lors de la rédaction du texte ?

    C.B.

    Pour rédiger un texte sur lequel la communauté étudiante pouvait s’accorder, nous avons sans cesse oscillé entre la volonté d’être grand public et celle d’être pointus. Au final, j’estime que nous avons obtenu un texte assez tranchant, qui précise que le produit intérieur brut et la croissance sont de mauvais indicateurs.

    Quelles en sont les grandes lignes ?

    SÉBASTIEN PEZZA.

    Le point principal est de montrer l’incohérence entre les enjeux écologiques et les stratégies des entreprises. Nous sommes face à une crise planétaire du climat, de l’énergie, des ressources… Et elles ne semblent pas en tenir compte. Dans le manifeste, nous exposons des faits scientifiques incontestables : le bouleversement des cultures, la hausse des températures ou les tempêtes. Ce n’est pas en économisant les gobelets qu’on va résoudre le problème.

    Pourriez-vous boycotter certains employeurs, quitte à gagner moins ?

    C.B.

    Oui. J’ai fait un sondage : les étudiants de Polytechnique se disent prêts à accepter une baisse de salaire de 20 %.

    Le manifeste, signé par plus de 30 000 étudiants à ce jour, a-t-il déjà eu un effet ?

    S.P.

    Nous avons participé à une trentaine de rencontres et de groupes de travail. Tout le monde doit cesser de se renvoyer la balle. Les entreprises doivent faire des efforts, les politiques mettre en place des mesures plus restrictives et les consommateurs faire attention à leur manière d’agir. Sans retourner vivre dans une grotte, nous ne sommes pas obligés de consommer autant pour vivre décemment.

    Qu’avez-vous pensé de votre rencontre à l’ESCP avec les trois ministres François de Rugy (Ecologie), Brune Poirson (Transition écologique) et Frédérique Vidal (Enseignement supérieur), début mars ?

    JULIEN GASC.

    Ils n’ont pas participé aux groupes de travail, seulement à la plénière. Cela a permis à 200 étudiants signataires du manifeste d’interpeller directement le pouvoir politique. Je pense que cela a eu un certain effet.

    Mais vous avez été déçus…

    J.G.

    En une heure et demie, il n’a pas été possible d’avancer. Mais Dominique Vidal a semblé dire que changer l’enseignement supérieur était faisable, assez rapidement. Nous avons été invités à en reparler avec son cabinet.

    S.P.

    Les groupes de travail ont été très riches. Nous avons versé nos propositions dans le Grand débat national.

    N’avez-vous pas peur de passer pour des privilégiés donneurs de leçons ?

    PAULINE TIBERI.

    Nous agissons sur les leviers que nous arrivons à activer. Dans les entreprises, dont les cadres ont fait les mêmes écoles que nous, et dans les écoles, dont nous connaissons les cursus.

    C.B.

    Nous donnons des leçons surtout à nous-mêmes et à nos anciens, parce que ce sont eux qui ont les rennes et peuvent agir.

    Quelle sera la suite du mouvement ?

    S.P.

    Un des sujets sur lesquels on travaille actuellement, c’est comment on aide les étudiants à évaluer écologiquement leurs futurs employeurs. On est en train de mettre au point des grilles de lecture qui permettront de décrypter les informations que les entreprises communiquent elles-mêmes dans différentes publications : rapport de responsabilité sociale d’entreprise (RSE), rapport stratégique…

    P.T.

    Le second point porte sur le contenu des études. Les étudiants qui ont une conscience des enjeux environnementaux l’ont développée par eux-mêmes. Il n’est pas normal que les écoles n’intègrent pas ces questions dans leur cursus. Nous discutons actuellement avec le ministère de l’Enseignement supérieur, la conférence des grandes écoles et la commission des titres d’ingénieurs pour qu’ils agissent. Nous voulons aussi influer sur les classements de grandes écoles par les journaux pour qu’ils ajoutent les enjeux environnementaux aux autres critères du taux d’insertion, du salaire à la sortie ou des débouchés internationaux.

    Propos recueillis par Adeline Daboval

    REPÈRES

    Avril 2018

    Première réunion d’une quinzaine d’étudiants sur la question de l’urgence environnementale

    Eté 2018

    Rédaction du Manifeste pour un réveil écologique par une dizaine de jeunes

    Septembre 2018

    Lancement du site Internet et de la pétition

    3 novembre 2018

    Le Manifeste passe le cap des 20 000 signatures

    7 mars 2019

    Débat réunissant trois ministres et 180 signataires à l’ESCP

    Écoles à la une

    Proposées par les écoles partenaires

    Audencia Business School
    Economie / Finance / Banque / Comptabilité
    Nantes
    Edhec Business School
    Commerce / Gestion / Management
    Roubaix cedex 1
    IÉSEG School of Management
    Commerce / Gestion / Management
    Lille